L’heure jaune
tu dis c’est l’heure jaune
cette coulée au revers des nuages
car là s’insinuent les ombres
plates
d’une promesse — cette antienne -
prélude pour l’attente
dans les alvéoles de ton silence
en cette fin d’après midi
‑ton silence ingéré -
l’attente s’y lasse
tu dis c’est ainsi
que vienne l’heure – l’eau
jaune
si proche la silhouette attentiste des hortensias
poterne rose sous la ruée
d’or gris
l’heure grosse – penses-tu
on le remarque aux branches incurvées
nidifiées de cette crainte aimante
pour les grands remuements de cieux
et c’est le jaune de l’heure que tu cherches
à renouer aux heures antérieures
les bottes cerises – la robe vichy
la parka ciré qui luit
les flaques égratignées de boues
sur la commissure
tant et tant de miroirs pour ce ciel
tant d’arbres dédoublés dans leur cris
leurs bras jetés comme des brasiers de vert
de tendre
à t’arracher l’amour de la gorge
l’amour prescient des enfants
de l’orage
jaune un peu trouble
tu ajoutes, l’heure est un peu trouble
mais si paisible avant les trombes
obliques qui bientôt
strieront le portrait de l’enfance
oscillant là
à mi-hauteur
entre glaise et braise
de cet été gommé de soirs
tu souris à l’épreuve
ce jaune c’est l’éternité qui s’attarde
un instant
tes aubes novembre
tes aubes novembre
il faudrait du mou dans l’ombre
pourvu que les brumes s’y délitent
à l’or des désirs
puisque
l’arbre jeune tutoie de vigueur l’arbre vieux
et que nous adoubent
leurs filigranes accolades d’assoiffés
pourvu que jamais l’on n’abîme la profondeur
des nuits
leur isolement de grenat
le chaud du sang dans l’herbe grise
c’est prophétie des lunes
dégluties
qui ruminent
il faudrait de l’espérance, un peu
viens donc matin noir parmi
les vapeurs d’or les désirs
de mourir né d’un sang fiévreux
il nous faudrait de la blancheur
aux lèvres soudoyées à l’ange
annonciateur de faim
et midi m’ennuie — trop isocèle -
sans cette oblique qui ravive
le fané d’un sourcil
le vertige au frotté de l’épaule
cette absente
le moindre plissement améthyste
dans ta pupille ivre simple
une nuit sans pareil
tantôt la nuit éteint son aile
arase les labours ridé d’argent
une corneille y craque
le silence
entrouvre le noir
grisé de sel
des fossés friment la mort
là dors l’appétit
d’une nuit sans pareil
fugitif immobile
tu ris des décrets pris
lors d’antiques frimas
patiemment tu débourres
le velours des coteaux
nos épaules grondent soudées
de sueur triste
et s’évaporent les âmes aux dentelles des forêts
au nu des astres
viennent les nuits nubiles
remuant
les hanches souples des saules
où paradent les oiseaux aux traînes de bronze
et aux huppes forgées dans les ors
et les eaux
d’un décor shakespearien
les herbes réclament l’outrage
d’un chant de glotte
et d’une pluie fermentée
au nu des astres tièdes
ta parole s’emmure
dans le bourgeon serré
d’un désir inflammable
lentement ton ombre
Or les textes aussi sont des lieux, (…) où tout peut advenir, ‑l’éblouissement et les ténèbres, et jusqu’à la Parole de Dieu. Ils sont des lieux où s’illuminent la solitude, l’absence, où stridule le vide, où chante le silence
La pleurante des rues de Prague, Sylvie Germain
comme on ouvre lentement
la robe orange d’un fruit
ta bouche rappelle à elle l’expire du soir
ton cri flambe depuis l’ombre
sur l’appui de fenêtre
et tes pas guident l’étoile jusqu’au panier
du chien
lentement la ténèbre
glisse le long de tes doigts
et alourdit tes poches
des transes d’une fête éteinte
puis lentement sculpté par
les danses rupestres
ton ventre se blottit
aux cendres du foyer
[…] L’heure jaune tu dis c’est l’heure jaune cette coulée au revers des nuages car là s’insinuent les ombres plates d’une promesse — cette antienne — prélude pour l’attente dans les alvéoles de ton sil… […]