Revue de poésie contemporaine

Poèmes de la tourbe

P

|| extraits de North ||

« Je repousse
à tra­vers les styles,
les dais élisabéthains,
les des­sins normands,
les pri­me­vères érotiques
de Provence
et le latin recou­vert de lierre
des hommes d’église
jusqu’au nasillement
du barde, l’éclair
métal­lique des consonnes
fen­dant le vers. »

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Auteur(s) / Artiste(s)

Seamus Heaney

Aîné de neuf enfants, fils de fermiers catholiques, Seamus Justin Heaney est né le 13 avril 1939 dans la ferme familiale de Mossbawn en Irlande du Nord. Son enfance est marquée par la mort accidentelle d’un de ses frères. De 1945 à 1951, il va à l’école locale d’Anahorish, puis, de 1951 à 1957, il est pensionnaire au St Columb’s College de Derry. Il est ainsi l’un des premiers à bénéficier de l’Education Act de 1947, qui ouvre l’éducation secondaire à la minorité catholique du Nord. Le jeune Seamus est d’emblée conscient de tout ce qui le sépare de la culture unioniste dominante. À dix-huit ans, il part faire des études de littérature anglaise à la Queen’s University de Belfast, dont il ressort diplômé en 1961, et suit l’année suivante une formation pédagogique à St Joseph’s College of Education à Andersontown, où il rédige un mémoire sur les revues littéraires d’Irlande du Nord depuis 1900.

En 1962, il commence à enseigner à St Thomas’s Intermediate School à Ballymurphy. À la même époque, il découvre la poésie à travers la lecture de Ted Hughes et Patrick Kavanagh, et commence lui-même à écrire de la poésie. En 1965, il épouse l’enseignante et écrivain Marie Devlin, dont il aura trois enfants (Michael en 1966, Christopher en 1968 et Catherine Anne en 1973), et publie la même année une plaquette Eleven Poems, pour le festival de la Queen’s University, et rédige de nombreux articles et comptes rendus pour des journaux anglais, ainsi que des émissions pour la B.B.C.

Paru en 1966 chez Faber and Faber, son premier recueil, Death of a Naturalist, est salué par la critique et est couronné par plusieurs prix. Il devient assistant dans le département de littérature anglaise moderne de la Queen’s University, et publie en 1969 son deuxième recueil, Door into the Dark, quimarque la transition avec les recueils suivants ancrés dans la douloureuse réalité irlandaise. Après un court séjour aux États-Unis, comme assistant invité de l’Université de Californie à Berkeley, Heaney constate à son retour que la situation en Irlande du Nord s’est considérablement détériorée. Il démissionne de son poste en 1972 et s’installe dans une chaumière à Glanmore près d’Ashford, dans le comté de Wicklow, en République d’Irlande, décidé à vivre de sa plume et des lectures qu’il va donner par la suite en Irlande, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Ce choix de s’installer dans la République est alors considéré comme emblématique. Cette année-là paraît Wintering Out, son troisième recueil, qui marque l’inscription de la poésie de Heaney dans le paysage irlandais, avec ses premiers “Bog Poems”.

En 1975, Heaney publie Stations, un pamphlet sous forme de poèmes en prose, et surtout, North, son quatrième recueil, le plus controversé. Sans doute son chef-d’œuvre, dont sont extraits les “Bog Poems” de l’ensemble présenté ici, qui renvoie explicitement aux violences qui secouent l’Irlande du Nord. La lecture du livre du Danois P.V. Glob, The Bog People sur les corps retrouvés dans la tourbe de victimes sacrificielles, lui fournit des images et des symboles déterminantes pour son recueil suivant, North (Nord) qui paraît en 1975, et dont quelques poèmes ont initialement paru en plaquette sous le titre de Bog Poems (Poèmes de la Tourbe). Le recueil est salué avec enthousiasme par Ted Hughes et Robert Lowell, et le livre est extrêmement bien accueilli. Devenu chef du département d’anglais au Carysfort College de Dublin en 1976, il s’installe à Sandymount avec sa famille et devient directeur de la Field Day Theatre Company qui vient tout juste d’être créée à Derry. Paraissent les années suivantes Field Work (1979), Selected Poems 1965-1975 (1980) et Preoccupations : Selected Prose 1968-1978 (1980), ainsi qu’un choix de textes pour “grands enfants” coédité avec Ted Hughes, The Rattle Rag.

À la création du Conseil des Arts Irlandais, l’Aosdána, en 1981, Heaney en fait immédiatement partie et sera par la suite l’un de ses cinq “aînés” (saoi). Il est fait docteur honoraire de la Queen’s University et de la Fordham University de New York en 1982, alors qu’il est depuis un an visiting professor à Harvard. Par la suite, il deviendra professeur de rhétorique et d’art oratoire à Harvard, poste qu’il occupera de 1985 à 1997, tout en étant élu professeur de poésie à Oxford, poste qu’il occupera jusqu’en 1994, puis poet in residence de 1998 à 2006 à Harvard, ce qui le contraindra de partager son temps entre Irlande et les États-Unis.

En 1985, à la demande d’Amnesty International pour l’Irlande, il compose le poème “From the Republic of Conscience”, qui donnera son nom à la plus haute distinction décernée par Amnesty : le prix Ambassadeur de la conscience. Les foules se pressent et font la queue pour assister à ses lectures. Heaney publie trois nouveaux recueils Station Island (1984), The Haw Lantern (1987) et Seeing Things (1991), ainsi qu’un recueil d’essais, The Government of the Tongue (1988) et quelques traductions de l’irlandais. Jouée au Field Day Theatre, sa pièce The Cure at Troy (1990), basée sur le Philoctète de Sophoble, rencontre un grand succès.

Alors qu’il vient de rassembler en un volume ses conférences à Oxford sous le titre The Redress of Poetry, le 5 octobre 1995, il est le quatrième écrivain irlandais à se voir décerner le prix Nobel de Littérature, “pour des œuvres d’une beauté lyrique et d’une profondeur éthique, qui exaltent les miracles quotidiens et le passé vivant”. L’année suivante, il est élu à l’Académie royale irlandaise.

Heaney va encore publier quatre recueils de poésie, The Spirit Level (1996), Electric Light (2001), District and Circle (2006) et Human Chain (2010), une traduction de Beowulf (1999) et une nouvelle pièce, adaptée de l’Antigone de Sophocle, The Burial at Thebes (2004). Il est fait docteur honoraire de l’Université de Pennsylvanie, et de l’Université de Rhodes, se voit décerner de nombreux prix, et assiste à la création du Seamus Heaney Centre for Poetry à la Queen’s University de Belfast en 2003. L’année suivante, il est invité à lire devant les vingt-cinq chefs d’État de l’Union européenne, alors sous présidence irlandaise, à l’occasion de son élargissement, un poème composé pour la circonstance, “Beacons at Bealtaine”. Couronné de plusieurs prix, dont le prestigieux T.S. Eliot Prize en 2006, il est l’artiste mis à l’honneur à Ǿstermarie, au Danemark, où une Heaney Stræde (rue) est inaugurée.

Seamus Heaney, qui portait un pacemaker depuis l’été 2006 où il avait fait un infarctus, meurt à Dublin le 30 août 2013. Ses obsèques ont lieu le 2 septembre suivant à Donnybrook et il est enterré à Bellaghy, aux côtés de ses parents et de son jeune frère disparu prématurément. Le lendemain de sa mort, une foule de plus de 81 000 spectateurs applaudit Heaney pendant trois minutes lors de la demi-finale du championnat d’Irlande de football gaélique. Ses funérailles sont retransmises en direct à la télévision, tandis que la radio diffuse pendant toute la journée des enregistrements de Heaney lisant ses propres poèmes. Dans les jours qui ont suivi sa disparition, les Irlandais se ruent sur ses livres, dont il ne restera plus un seul exemplaire en librairie…

Aurélia Frey

Née en 1977, Aurélia Frey est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles.

Membre de la section artistique de la Casa de Velazquez à Madrid de 2008 à 2010. Depuis elle a participé à de nombreuses résidences : au Musée de l’hospice Saint Roch d’Issoudun dans l’Indre autour d’un projet d’après Les contes d’une grand-mère de George Sand, au Musée Picasso d’Antibes sur les traces de Nicolas de Staël. Elle revient d’une résidence réalisée en Norvège au Monastère d’Halsnoy.

À travers son travail photographique, Aurélia Frey interroge la notion de passage. Ses images cherchent à rendre poreuses les frontières qui séparent les univers de la représentation. Elles favorisent le dialogue entre le monde visible et le monde intérieur, entre le réel et l’imaginaire, entre le concret et l’abstraction. Intéressée par la littérature, la peinture, et cherchant à créer des liens entre l’univers littéraire, pictural et la photographie, Aurélia Frey s’est inspirée, en les photographiant pour en révéler l’essence, des œuvres de nombreux musées comme le Musée du Prado, le musée du Bellas Arte en Espagne, le musée Gustave Moreau à Paris, Le Petit Palais à Avignon, le Musée Picasso d’Antibes, La Galerie Nationale à Oslo, Kode Kunst Museene de Bergen. Elle continue ses recherches au sein de différents lieux patrimoniaux.

Aurélia Frey est représentée par l’agence PlainPicture (Hamburg) spécialisée dans le domaine de l’édition, par l’agence AKG-images (Paris), spécialisée dans le domaine de l’art et des civilisations et par l’agence Luce (Arles) qui regroupe des photographes indépendants spécialisés dans la prise de vue du monde culturel et patrimonial.

Publications
  • Calle del barco 13, éditions Casa de Vélasquez
  • Apnée, éditions Nonpareilles
Site web
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