Revue de poésie contemporaine

Sauvage ontologie (extraits)

S

Ver­tige inef­fable du
radi­cal départ
ronde enfantine
nous n’i­rons plus au bois
des ombres joyeuses
les lau­riers sont coupés
décor peint à la hâte
la belle que voilà
la laiss’­rons-nous danser
pour cacher l’abîme
inté­rieur de la peine
entrez dans la danse
et l’être vit
résis­ter tenir bon
voyez comme on danse
au creux des sourires
du ciel sauvage
et clé­ment des amis
embras­sez qui vous
vou­lez embrassez
vite et follement
sau­tez dansez
écoutait-il
le chant des oiseaux
impa­tients d’en
découdre avec
les nuages.

Jamais ne s’assoupit
veillant sur le corps
l’être à l’affût
de l’ondulation
des herbes folles
sur les collines
jus­qu’aux sombres
forêts trouées d’yeux
tra­quant les proies
de sang de muscles
d’os blancs si petits
minia­ture chinoise
char­rette tirée par
de pai­sibles buffles
têtes levées ciel de jade
foin d’i­voire lié d’or
enfant recroquevillé
dans un trou de paille
rêve d’être chevalier
jamais ne s’assoupit
l’être à l’affût
du jour à venir
marchait-il
dans une rue pavée
man­quant à chaque
pas de glisser
dans l’oubli.

Deux cor­neilles se battent
dans un frêne isolé
une rose blanche nargue
le vent indiscret
le bois cou­pé lorgne
le ciel du matin
dans le four­ré se tient
le conseil des moineaux
l’être essaie ne sait quoi
se tourne de tout côté
que dire cet endroit est
si petit vide peut-être
alors attendre par­ler peu
ou se cou­per la langue
c’est si dur parfois
cela détruit en douce
ceux à qui on ne parle
pas ou presque plus
à force de rete­nir et
de vou­loir les aimer
aimer quelle histoire
un œil dans chaque main
les pieds cou­verts d’étoiles
alors par­tir au loin se taire
ne pas détruire jamais
et cet endroit si petit
l’être n’y peut plus rien
un rouge-gorge étoufferait
de voler sur des braises
n’ar­ri­vait-il pas à
remettre en place
la poi­gnée d’une porte
à cause d’une vis
au pas forcé.

Forte houle monstre des mers
se fra­casse sur les rochers
sculpte les falaises hautes
pique­tées de nids grouillants
criards fous de Bas­san blancs
poi­gnards maquillés de soleil
explose nuage d’é­cume en pluie
retombe sur la den­telle des algues
les héris­sons de mer brillent
dans le vacarme du ressac
griffent l’eau fra­giles piquants
tan­dis que bigor­neaux praires
et patelles collent à la pierre noire
l’o­céan bat la terre hurle gronde
cha­hu­té par les caprices du vent
inlas­sable et pro­fond mystère
où la vie grouille invisible
se nour­rit de com­bats silencieux
téna­ci­té de l’être ale­vin ou baleine
tire sa force des cou­rants contraires
plon­gea-t-il sa cuillère dans
le miel de citron­nier d’Espagne.

Ah rire de tout de soi
des ori­peaux des leurres
des gri­mages des peurs
du corps et des pensées
mais pas des fous
mais pas des ruisseaux
bor­dés de mousse fraîche
qu’un pied maladroit
détache d’une roche noire
et brillante pal­pi­tant de
joie dans les éclats de l’eau
cou­rant impé­tueuse et libre
vers les lacs l’o­céan les nuages
rire de tout sauf du mépris
si facile devant la faiblesse
rire de sa propre faiblesse
sauf du com­bat de l’être
dans l’ombre du sous-bois
ni sérieux ni orgueil ni envie
mais dres­sé contre le vent
putride dont même l’humus
au déli­cat par­fum ne veut
humus où se cache la girolle
non pour­ri­ture puante qui
se délecte de couardise
ah rire de tout de soi mais
ne pas avoir honte de pleurer
écou­tait-il un lied de Mahler
pen­sant à la belle journée
qui venait de s’of­frir à lui
en un loin­tain regard furtif.

Auteur(s) / Artiste(s)

Jean-Jacques Marimbert

Né au Maroc au milieu du XXe siècle. Médecin à l’hôpital de 1977 à 1982, dans la région toulousaine. Enseigne la philosophie depuis 1984, à l’Université de Toulouse 2 – Jean Jaurès depuis 2001, depuis 2017 à la Faculté de Médecine (Master Éthique du soin).

Nouvelles
  • Dans les revues Europe, Brèves, Encres vagabondes, L’Instant
    du mond
    e, etc.
  • La Vie sera un sourire du ciel clément, Éd. du Ricochet, 1996
  • La Robe d'été, in L'Autan des nouvellistes, Éd. de l'Atelier du gué, 2013
Romans
  • 13, quai de la Pécheresse, 69000, Lyon, coll., Éd. du Ricochet, 1999
  • Raphaëlle, Éd. du Ricochet, 2000
  • Le Corps de l'océan, récit, Éd. Jean-Pierre Huguet, 2007
  • Aquarium, roman, Éd. du Cygne, janvier 2014
Poésie, photos et dessins
  • Publications récentes dans les revues Ce qui reste, La
    Cause littéraire, Terre à Ciel, Europe, Traversées, Poésie/Première,
    Touroum Bouroum et Décharge
Recueils
  • Départ, récit poétique, Éd. de la Renarde Rouge, 2000
  • Destin d'un ange, suivi de La fourche, fictions poétiques, Éd. du Cygne, 2012
  • Jour, fiction poétique, Éd. Les Carnets du Dessert de lune, 2013
  • Animots, ill. Étienne Lodého, Éd. des Carnets du Dessert de Lune, 2015
Essais
  • La peau et le vernis, in Rudyard Kipling, Europe, mai 1997
  • Analyse d'une oeuvre : La Mort aux trousses (A. Hitchcock, 1959), dir., éd. Vrin Philosophie, 2008
  • Analyse d'une oeuvre : L'Homme à la caméra (D. Vertov, 1929), dir., éd. Vrin Philosophie, 2009
  • Histoire ordinaire et extraordinaire des cellules sexuelles, coll., éd. Hermann, 2010
Livres Jeunesse
  • Le Col maudit, roman policier, éd. Syros, coll. Souris Noire, 2002
  • Les Ailes de Camille, roman, éd. Casterman, coll. "Romans Cadet", 2002
  • Nuria la nomade, roman, éd. Syros-UNESCO, coll. "Les uns les autres", 2004
  • Hubert le chameau, album-conte, Le Seuil Jeunesse, 2011

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