Matador et Minotaure
C’est Thésée en habit lumineux, qui combat
A l’épée, en allant et venant par là bas,
Par ici, un chemin dans un rond, et battant
Sur le sol ensablé, de ses pieds élégants,
Un ballet emmené : pas de deux échangé
Aux sabots martelant, aux naseaux enfumés.
Un taureau dévoreur des enfants va mourir.
Quand le bateau boit…
Je suis un chat marin.
J’habite une barque amarrée au Vieux-Port.
Je suis un chat inquiet : mon bateau boit.
Il est trop accueillant pour les eaux et marées,
Et le sel le grignote.
Parfois, sans vent ni vagues ballottantes,
Il se penche sans raison.
Parfois, il navigue en zig, en zag…
Mon bateau boit et le fond de sa cale me mouille les pattes,
De petites vagues me chatouillent le ventre.
Pour aller au Frioul, il s’en va par Gaby.
Pour aller à l’Estaque, il mouille à Morgiret.
Mon bateau boit.
Ses vieilles bordées font corps avec la mer.
S’il croit ainsi attirer les girelles,
C’est plutôt le contraire.
Je suis un chat marin, qui sera un nageur.
Car mon bateau, à boire sans soif,
Dans un moment d’ivresse
Rejoindra un beau jour, les poissons les coraux.
Les oursins et les poulpes viendront l’habiter.
Je serai chat nageur,
Ma maison sous les eaux, sera loin de mon port.
Et je miaule ce soir, ce qui dans la langue des chats, veut dire pleurer.
La marche et les pieds
Il y a d’abord ces deux choses étranges
Qu’on appelle des pieds.
Autour des pieds, une armure de cuir.
On me dit que ce sont des croquenots.
Croquenots, croque sol.
Et les pas se sont mis, un à un à frapper
Le chemin.
Là haut s’agitaient les bras et balançait
Le buste.
La tête, çà et là regardait de haut
En bas
De gauche à droite.
Le voyant ainsi, les gens assis
Disaient : voyez comme il marche ;
Et pourtant il a deux pieds.
Deux choses étranges,
Qu’on appelle les pieds.
Cela sert paraît-il à marcher.
Ce n’est pas pour les poètes.
Car les pieds des poètes sont
Pour les vers.