Notes sur La Région centrale de Michael Snow
Acéphale, revue dirigée par Georges Bataille de 1936 à 1939.
« Le corps sans organes » expression formulée par Artaud dans Pour en finir avec le jugement de Dieu (1947) et placé au rang de concept par Deleuze et Guattari (1972).
Au croisement de la visée sauvage, préhumaine de Bataille et de l’exécration physique d’Artaud, comme leur fugitive condensation : l’œil de la machine filmant fichée dans le sol de La Région centrale de Michael Snow (1970) ; œil qui voit en rond (comme celui du personnage de La Ronde ophulsienne) ; œil mécanique qui émet sa propre lumière, mais ne capture presque rien (images délavées, déteintes, d’épuisement d’un monde), car l’intensité de son autonomie en fait un organe (au sens instrumental du terme) massif, à l’exemple de ces étoiles dont le champ gravitationnel est si puissant qu’il empêche toute lumière émise de jamais s’échapper, ce qui les rend invisibles. Étoiles sombres, noir œil.
Notes sur À la recherche de Vivian Maier de John Maloof et Charlie Siskel
Une photographie est une fenêtre. Une photographie d’un visage est une fenêtre qui ouvre sur une autre fenêtre — qui elle n’ouvre sur rien.
Le visage est sans accueil, il est l’inhospitalité même — aller vers lui n’est jamais qu’au risque de se perdre. C’est pour cette raison que certain(e)s depuis qu’on peut le photographient.
On photographie une tête pour se défroquer de l’être. Pour disparaître. Rien ne se fait du jour au lendemain. Longtemps le portraitiste se réfléchit dans le portrait comme un vieux mur qui s’écaille, envahi par le salpêtre et qui sent fort l’humidité. Longtemps il hante en gueule cassée les traits qu’il a fixés. Il y vit d’une demi-vie.
Et puis, tout imprévisiblement, vient le moment où le visage-fenêtre n’est plus composé que des formes de son identité. Il n’y a plus de reflet, plus rien d’étranger sur le verre. Si l’on excepte un coin de surface dépolie qui suggère le banc de bois, désormais vide, où s’asseyait Vivian Maier.