Revue de poésie contemporaine

Pendant la mousson (et autres poèmes)

P

 

Pendant la mousson

Au-delà de la peau existent d’autres sensations
L’été en pous­sières et l’automne chétif.
Où sont les mains, les bras, les silences…
Une année glisse sur les rails du Sky train et
Des visages d’anges per­turbent le paysage.
À peine le temps de naître et de rêver…
Un typhon s’incruste en nous puis se noie,
Char­gé d’odeurs qui éveillent l’instinct d’océan.

Souplesse

C’est comme une danse qui s’agite en nous
avec dans nos poches quelques pages
Et sous l’œil sculp­té à tra­vers le monde
Une ombre à peau pierre
Rim­baud au fond d’une sablière

C’est comme une por­tière qui claque dans un cœur
Et sur mon corps élas­tique rose
Mille à l’heure dans le soir ouvrant boutique
Ses lam­pions éphé­mères, trous de lumières
Phares par dizaines qui rentrent sous terre dans les abris

C’est comme un volant fou qui nous conduit
Une danse en nous qui m’allonge élas­tique rose
Jusqu’à tou­cher le rêve déplié
À mille à l’heure allon­gée… étirée
Je serre les dents et le cœur pour ne pas claquer

Et si je claque tant pis j’ai connu la vie en rose.

La ville est tranquille

 

« D’an­ciennes voix qui crient autour »

Fede­ri­co Gar­cia Lorca

Rêver la tié­deur des faïences
Sous une mor­sure de soleil
Sen­tir la force d’un chat
Repliée à l’orée des corps
Consul­ter la nuit dans l’œil du village
Ses murs peints à la chaux
Et ses sor­ti­lèges de tis­sus agités
Sur la corde à linge un dimanche.

S’étirer à la fenêtre sur le toit
Regard plon­geant dans un décol­le­té de château
Et enga­ger sa mémoire
Sur la ligne de crêtes de la Sierra.

S’étirer en pen­sant à la saveur
Oubliée au fond d’une tasse
Au poème de Lorca
Sur un bord de fon­taine Azul
Le soir, une odeur de froid
Quand on ne l’attend pas
Aide à incen­dier l’œil de la nuit
Dans une bougie.

Quand tout est consumé
Quand la ville est tranquille
Cher­cher à tâtons
Mois­son­ner dans le noir
L’histoire qui per­fore la peau,
Malaxe chairs et obscurs
Puis vient se loger dans le cœur
Une balle
On meurt.

Rio Vero

 

Cha­leur encore jeune. Pierres en habit de lumière. Sen­tier qui dévale dans des gorges où le figuier colo­nise les bancs de terre… Friches d’été aux fruits mûrs de ron­ciers. Roches qui se répondent de paroi en paroi et de sou­ve­nirs en ave­nirs. Houx sau­vages, mico­cou­liers, terre engros­sée à l’odeur d’eau brû­lée. Puis sou­dain, une grille en fer au des­sus du vide de l’eau bleue, verte et transparente…

Sous le silence assour­dis­sant du soleil, nos dési­rs d’abandon vont en nage dans le Rio. 13 heures et la marche reprend. Un vieil homme pousse sa brouette vers la fon­taine. Il salue et serre la main des Fran­çais. Dans sa paume, la fraî­cheur tro­glo­dyte d’une mai­son de roches.

Carnaval et paprika

Le Port. La Joliette… Des ave­nues trem­pées comme des linges insen­sés. La pluie fait des entailles aux sou­rires. Sur les pavés claquent les traces de talons et le miroir des vitrines enlace nos images qui glis­saient, pas­saient, se déli­taient puis suc­com­baient dans un mou­ve­ment d’ensemble qui nous emme­nait où… Est-ce que tu sais. Je ne sais rien, je cherche. Le visage maquillé d’ombres pour le car­na­val de San Zac­ca­ria. Mar­seille et les bateaux se sont éloi­gnés, des mil­liers de kilo­mètres se sont engouf­frés entre deux sil­houettes sépa­rées. Vent, nuages, terre. Main­te­nant, l’île s’habille d’humeurs aux bal­cons, de lan­ternes rouges d’une mai­son de Chine.
Je marche vite, en sou­ve­nir des trains, des taxis, des navettes, des halls d’embarquement. Je res­pire, j’exulte. Quelque chose de chaud, mais plus fort que le sang, cir­cule dans mes veines. C’est une musique ancienne qui se joue de nous et autour, la ville s’allonge, se découvre jusqu’au fond des alcôves enfumées.
Mar­seille et ses bateaux reviennent, char­gés des épices de la mémoire. Le port, la Joliette… Droit devant, un bus fait son ramas­sage des exis­tences désaf­fec­tées. Des visages incon­nus, col­lés à la vitre, m’observent puis s’éloignent, dans un rou­le­ment de tam­bour des roues sur la chaus­sée. Ce qui reste… Je ne sais pas vrai­ment, mais je cherche.

 

Auteur(s) / Artiste(s)

Mireille Disdero

Mireille Disdero est originaire du Midi. À Aix-en-Provence, elle a obtenu un Diplôme d’Etudes Approfondies en Lettres et Arts. Écrivain et bibliothécaire en section littérature jeunesse, elle pratique le roman, la poésie et le récit court.

En 2003, elle a créé les éditions Alba avec le poète Alain Castets et a publié des auteurs tels Simonomis, Roger Gonnet, Ludovic Kaspar, Keltoum Staali, Annie Villaret, Dan Leutenegger... Dans le même temps, elle est devenue rédactrice en chef des Cahiers de l’Alba, revue de poésie et de littérature.
Elle aime écrire pour des lecteurs adolescents, sur la "vraie vie" des gens aux prises avec la réalité.
Ses écrits sont publiés aux éditions de l’Harmattan, aux éditions du Cygne, chez Le Seuil, Klett Verlag éditions (en Allemagne), Alba, Bastberg… Et dans des revues littéraires.
Membre de la Charte des Auteurs et Illustrateurs Jeunesse, elle participe régulièrement à des comités de lecture en poésie et en littérature jeunesse.
Depuis 2012, elle vit à Bangkok, en Thaïlande, où elle se consacre à l’écriture et à la découverte de l’Asie qui la passionne.

Contact : mireille.disdero@gmail.com

Blog Bleu indigo : http://indigo.over-blog.com.over-blog.net/
Membre de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse : http://repertoire.la-charte.fr/repertoire/i259-mireille-disdero#ListeLivre2

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