Nous sommes quelques-uns à le savoir : Robert Marteau (1925-2011) aura été le poète le plus inouï de notre littérature. Il pouvait écrire jusqu’à plusieurs sonnets par jour, en marchant dans la ville ou dans la campagne, à l’écoute de tout ce qui se manifestait, aux aguets. Il les considérait comme l’équivalent d’un journal. Il n’en marquait pas les strophes et disait d’eux qu’ils étaient « des proses pliées en forme d’alexandrins. » Ils ont tous été publiés (et le seront aussi pour les inédits) aux éditions Champ Vallon : Liturgie (1992), Louange (1996), Registre (1999), Rites et offrandes (2002), Le temps ordinaire (2009), Écritures (2012), La venue (2017). Son premier recueil, Royaumes, paraît aux éditions du Seuil en 1962 ; il sera repris (suivi de Travaux sur la terre et de Sibylles) dans la collection Orphée / La Différence en 1997 avec une présentation de Jean-François Rollin.
Mais Robert Marteau n’était pas seulement ce poète inouï, il était aussi un merveilleux prosateur : Venise en miroir (éditions Calligrammes, 1987), Sur le motif (Champ Vallon, 1986) ; son dernier roman sur son enfance poitevine, Dans l’herbe, a été publié par Champ Vallon en 2006. Signalons encore les deux merveilleux tomes du Journal concernant son séjour au Canada entre 1972 et 1984 : Mont-Royal (Gallimard, 1981), Fleuve sans fin – journal du Saint-Laurent (Gallimard, 1986 ; La table ronde, 1994).
Robert Marteau écrivait aussi sur la peinture : Huit peintres (La table ronde, 1994), Le message de Paul Cézanne (Champ Vallon, 1997), Le Louvre entrouvert (Champ Vallon, 1997). Il était l’ami de nombreux peintres avec lesquels il pouvait réaliser des livres d’artistes. Il était aussi traducteur : Luis de Góngora, Gerard Manley Hopkins, Geoffrey Chaucer, Miodrag Pavlovic, Peter Nim…
Un colloque sur son œuvre s’est tenu à Pau en octobre 2013 sous la direction de Sandrine Bédouret-Larraburu et de Jean-Yves Casanova, dont les actes ont été publiés en 2015 par les éditions La Licorne / Presses Universitaires de Rennes. Dans un ouvrage collectif publié chez Champ Vallon en 1996, Jacques Réda disait ceci du sonnet de Robert Marteau : « On dirait même une sorte de moule, où certaine quantité, certaine durée de langage vient prendre, non en se refroidissant : pour y atteindre, au contraire, son degré de fusion le plus haut et s’y maintenir. » (Pour saluer Robert Marteau).
Dans ses carnets, lors de ses marches (ou promenades), Robert Marteau écrivait aussi des poèmes (plus rares) qui lui venaient sous une autre forme que celle des sonnets. Ce sont quelques-uns de ces poèmes qui sont ici publiés avec l’aimable autorisation des ayants droit, que nous remercions bien vivement. Certains lecteurs se souviendront peut-être en avoir déjà lus dans Fragments de la France (Champ Vallon, 1990).
Dans Fleuve sans fin, Robert Marteau écrivait :
« Ne rien tenter qui soit dans l’intention d’écrire. Laisser que la parole cogne contre la coquille, se déprenne des glus, s’ébouriffe, et ma foi joue sa chance. »
Jacques Lèbre