I

Elle com­mence dans les dic­tion­naires, l’encre fuit
Tache les parquets
Des pages deviennent blanches, angoisse
Angoisses plurielles.
Page blanche
Fuite des mots
Perte de sens.

Dans les livres
Phé­no­mène identique,
les récents,
les plus anciens,
les très anciens les anciens
les incunables
Tous semblent s’être don­nés le mot
Seules résistent les enluminures
pro­blème de couleurs

Dans les jour­naux enfin
les titres se mélangent
Libé­ra­tion dis­pa­raît pour « Insurrection »
Le monde à son tour
Les jour­naux tous
les gratuits,
les publicitaires
Les petites annonces officielles
Tous arborent
« Insurrection »

quelques jours, nombre de réunions
avant de comprendre
Les mots s’insurrectionnent
Se révoltent, prennent le large.

Etat de siège décré­té plus moyen de lire,
les écrans sont atteints
Les pré­sen­ta­teurs deviennent porte-voix
Les mots se servent d’eux.
Quand ils veulent où ils veulent

20h sur M6
Je suis la soro­ri­té, mot perdu
oublié au siècle dernier
Je suis Femme
Je suis les Femmes
Les sœurs
Je suis amazone.

Libres ils sont libres enva­hissent les squares
Font perdre la tête aux enfants.
Erm­ci titep sel tietmes ed ianp tons nnobes
uons feron­sérp el losenruto

II (insu rectal)

Au des­sus de l’entrée officielle
il y a des mots
qui font mal à la nuque
trop hauts
loin le temps de l’érection
scan­dés par la foule
veulent plus rien dire
même pas la peine de les lire
même pas la peine de les marteler
ils feront plus de mal à personne
ni au cer­veau ni aux cervicales

on rentre
dedans c’est serré
c’est chaud
on est juste contents
que les mots fassent cou­rant d’air
contents contents
ça évite l’odeur de pourri

les enhar­dis vont au fond
par un étroit couloir
muet
juste le bruit
de la poussière

là, au dessus
il y a juste marqué
issue de secours
et ça tombe bien
c’est là, l’issue de secours
si jamais on veut s’échapper
c’est la lumière verte
le petit bon­homme qui court der­rière une flèche
pas besoin de crier au secours
en pas­sant par là
l’issue se suf­fit à elle-même
on la passe à l’insu de tout de tous
on sait plus rien
on va vers rien
elle est honnête
elle

l’issue loin
de l’érection

III

Insur­rec­tion.
Donc
Je m’insurrecte
tu t’insurrectes
il s’insurrecte
nous nous insurrectons
et ain­si de suite
de suite,
Je suite
tu suites
ain­si sui­tons nous
Je nousis
Tu nousis
il nousit
Je moije
tu toite
il soise
nous nousnous
vous vousvous
ils ou elles ilsils ou elleselles

IV

À la lisière de la forêt
sous les bancs puclics à deux pas des miettes
sur le rebord d’une lucarne ronde
on entend leur chant matinal

ils chantent des cui-cui grinçants
des cui-cuis chan­tants qui grincent
des mélo­dies spon­ta­nées pour y poser
nos phrases scan­dées dépas­sant les lasses

ils chantent des mots choisis
les leurs les nôtres les recy­clés à tout le monde
ils bercent les espoirs de nou­veau cycle
ils s’exercent aux chants de demain

ils rognent les os des phrases usées
le temps d’une pause carnassière
ils en retrouvent quelque adn perdu
quelque bout de viande coincé

ils chantent l’insurrection prochaine
riant des par­ti­cules déchues des articles creux
des écu­lés des dégor­gés des pasteurisés
ils chantent un cla­po­tis pour l’instant indiscernable

ils riment peu à peu et s’organisent
ce que l’on entend n’est pas entendable
mais ce soir, ce soir une toute autre poussière
se pose­ra sur les branches