c’est décidé
c’est ainsi
ce sera ainsi désormais
l’homme ne boite pas
ce sont les cailloux par milliers
des chemins et des champs
qui boitent
tout ce que nous devons éteindre
de nos anciennes petites chandelles
dans la chambre des idées
afin de voir ce que la lumière d’ici même nous donne
afin de trouver nouvelles terres carrossables où aller
toutes les sueurs
dont nous devons nous laver au lever les yeux
afin de discerner où qui quoi un peu nous
aussi ainsi nos gels
ne se transformeront plus (peut-être) en rocs
mais bel et bien viendra la terre de la terre d’ici
et la terre de dessous terre
et tout ce qui fait la terre ici-bas jusqu’en haut
et peut-être y aura-t-il en nous
une branche au moins
où nouvelle feuillaison se fera
encore
l’inquiétude signe après signe
ligne après ligne
ligote nos décisions
d’aller voir encore un peu plus loin
comment nous y sommes
la route reste dehors
nous ne bougeons
ne sachant s’il faut
le sucre blanc
ou l’encre noire
pour faire les ponts
qui dépasseront nos ombres
le sang en devient plus faible
comme asséché
broyé
la route est très très loin
pas le un, deux, trois soleil
pas un jeu
si nous ne bougeons pas
qu’il pleuve ou vente ou neige
ou que passe sur nous
l’éponge verte et gratteuse du temps
nous demeurons immobile
du pareil au même
pas que nous soyons
notre propre statue
pas que nous soyons figé
comme en un album
ou entre deux planches d’un herbier
mais l’air que nous respirons à l’intérieur de nous
ou qui juste s’avance ou se replie
qui demeure égal
et nous monte des idées dans la tête
les mêmes toujours
à nouveau
le poids
à nouveau courbé
nous nous arcboutons
nous nous préparons
à l’aube
le trafic aérien, ses traînées de kérosène en fumée
cela qui est rosi en premier
un jour comme celui d’aujourd’hui
accepter (c’est déjà débuter d’avancer)
de ne pas tout voir en une manière de pays de poésie
où les nuages sont du duvet de plume d’ange
ou plus simplement de la vapeur d’eau déminéralisée
il n’y a pas d’un côté la lumière
et de l’autre la poésie
à révéler et à éclairer
sont aussi les traînées d’avions
et divers autres rebuts
et divers autres souvenirs
même si nous aimerions
que le feu de l’oubli les calcine
le vent n’abrase la rouille
il n’y peut
ne se charge même pas
de petites particules
qui changeraient la couleur du jour
et feraient de toutes petites ombres furtives au sol
gauchement nous espérions
un petit mieux pour les vieilles ferrailles
de nos vieilles carcasses
sans avoir à lever le petit doigt
vent abrasif
non
temps corrosif
nous verrons
assis sur la terre
nous entendons l’un et l’autre se parler
cela fait au-dessus de nos têtes
de petits fils de rien du tout
ou de petites branches
que nous saisissons parfois
pour en détacher quelques mots
une fois la récolte faite
nous rentrons dans la maison
afin de les conserver
les posant à l’ombre
sur le bois frais du bureau
ou dans la coquille vide de l’escargot
où nous irons un jour les écouter
nous faut-il de grands mouvements
nous faut-il de petits mouvements ?
un jour nous mangerons notre ancien cœur
[…] Ici même (extraits) c’est décidé c’est ainsi ce sera ainsi désormais l’homme ne boite pas ce sont les cailloux par milliers des chemins et des champs qui boitent tout ce que nous devons éteindre de… […]