« Il te faudra
Ôter tes habits de lumière
Si tu veux entrer dans la fraîcheur
De ce que quelques fous
Nomment parfois »
Poèmes de Raphaël Dormoy
extraits de L’Amorgos
« L’horizon n’existe pas, c’est la raison pour laquelle les hommes ont inventé les dieux. »
L’Amorgos, Port de Pirée, Printemps 2011
1.
Les printemps pourtant
Refleurissent
Parmi les ruines
Les jasmins qui bordaient le sentier
S’ouvrent dans le silence
Merle millénaire
Ce qui autrefois
Semblait une cité prospère
S’est éteint comme le souvenir
D’une mer lointaine
8.
Les ruisseaux sont les mêmes
Partout c’est la même rumeur
Qui enveloppe le corps
Alors
À quoi bon retenir le temps
Quand les racines de l’être
S’y enfoncent
Toi
Vieil escroc qui a tout fait
Pour me vendre tes dieux
Et tes babioles d’esclave
Il te faudra
Ôter tes habits de lumière
Si tu veux entrer dans la fraîcheur
De ce que quelques fous
Nomment parfois
11.
Une manière de bleu
Comme si la côte
Ne touchait plus l’île
À cette hauteur
Le sentier
Croustille sous les semelles
Les fleurs ont vêtu
Tous les atours de la lumière
Tandis que le vent
Parfume au-delà de l’instant
Où le regard
S’est tourné vers l’intérieur
13.
C’est le premier soir
Que la lune apparaît
Et la carte des étoiles
Je n’effacerai rien, dit-il
Je garderai aussi sur ma peau
Celle de l’effort
Que leurs territoires
Imprègnent mes rêves
O pauvre pêcheur
Soupire-t-il, en s’enroulant
Dans le filet du sommeil
18.
Tu entends
La respiration de la mer
Cette manière qu’elle a
De rouler sur les galets
D’appesantir le regard
Où que porte l’horizon
Tu vois là-bas
C’est comme ça qu’ils font
Ils leur tranchent l’âme
Et la rejettent à la mer
19.
La question n’est pas de faire
Ni d’être le faire
L’une et l’autre dimension
Sont aussi lointaines
Que les mouvements de la sève
Ou le désir de récolte
As-tu remarqué cette feuille
Qui te pousse sur le bras
24.
Est-ce le jour ou la lune
Qui se lève derrière la montagne
Quelques nuées blanches
Détachent lentement
Le ciel de la mer
Bientôt
L’oscillation du pont
Laisse apparaître
Une ligne d’horizon
L’Amorgos sonne le départ
Il se lève
La prend dans sa main
Tandis que le navire
Éloigne l’instant
Raphaël Dormoy
Né en 1977, Raphaël Dormoy vit à Paris. Travaille essentiellement le lieu de la forme courte (récit, nouvelle, fiction…). Publication du Manifeste de l’éventail à compte d’auteur en 2010. L’Amorgos est un recueil de poèmes qui prend source et racines en Grèce. Raphaël Dormoy diffuse une partie de son travail sur son site : raphaeldormoy.net