Suis-je moi-même l’un des leurs ?
Souvent je rêve d’un impossible retour
dans un lieu qui n’existe pas
sur les cartes
ou qui y figura peut-être…
Le lierre et l’ennui
s’y enlacent.
On n’y croise peu de monde
dans les corridors en ruines,
sauf des êtres incomplets
hantés par leurs manques…
Ainsi cet homme
qui a oublié son nom,
il tourne en rond sur
des soieries d’Ispahan
les chaussures pleines de merde.
Ainsi cette femme
à la nudité parfaite
dont la beauté intègre
aurait besoin d’être rectifiée :
elle porte sa tête en pendentif.
Tous ces êtres m’ignorent
et semblent même ignorer
leur sentiment d’exister :
suis-je moi-même l’un des leurs ?
Le château de vallée obscure
Le château de vallée obscure
par ses ailes
tous les corridors
mènent au plus secret
Il y a ce miroir
taillé en diamants
où les nombres se perdent
pas de reflet pour un regard
Et chaque jour
revient l’heure inlassable
où les âmes de nos vices
nous ramènent sur nos pas
C’est sur ce seuil de lave
bien sûr
que les marches piétinent
au basalte des crânes.
Le cercle et la parole
Il y a le cercle et la parole
et l’heure où chaque naissance
annonce l’aube rageuse
l’attente du regard
Une main aveugle
dure à tâtons
devance le jour
dessine comme par jeu
la frontière qui sépare
le silence de la parole
le geste du murmure
De son pouce
se traverse la brèche
s’effleure le néant
d’où l’on sauve la braise
et la brindille
et que l’oreille
se tende vers le soupirail
qu’elle entende
que nos fantômes
n’ont pas changé de nom
que tous se croient encore vivants
dans l’espace ouvert
par l’éclat
le miroir de nos âmes !
J’ai épousé la lumière
J’ai épousé la lumière
elle me suit comme une ombre
comme un chien affamé
et sa pâleur nocturne
a l’éclat tranchant
d’une lame acérée
La chambre où je repose
n’a ni fenêtre ni balcon
aucune clef ne délie séjour
Que s’avance
Que s’avance sur ce chemin – ombre –
le poète la tête haute
couronnée de brouillard
et sa sœur
la mendiante Liberté
Il n’y a pas de hasard
si ceux qui n’acceptent pas la douleur
ne méritent pas nom de Créateur
ne méritent pas de voir le ciel
ni les étoiles
muettes
Comme ce tout premier pas…