Il pleut sur Dizy, je te fais parvenir les légendes de notre voyage avec le mousse. Promis, je ne dépasserai pas les bords de la carte. On y voit les bois de Ferreyres et, au fond, la carrière jaune.
C’est si rare de vivre où l’on demeure. On est là, ailleurs, au Pérou, en Amérique, demain ou autrefois. On a beau dire, ce n’est que le dehors d’une même prison.
Plus besoin de clé, les fenêtres et les portes sont grandes ouvertes. Au milieu des débris deux serre-livres à la gueule de lion rappellent le bras du père sur l’épaule du fils.
Je n’invente rien, je dure. Chaque jour j’écoute. Je dis ce que j’entends. J’ouvre au vent la maison du dehors pour me mettre un instant à l’abri des cris du dedans.
Ce matin j’ai nourri les moineaux, me suis assis sur le banc pour donner forme à ce qui n’en avait pas. L’imprévisible s’en est mêlé. J’ai pris les devants, talonné par l’envie de bien faire, ai tourné les mots dans tous les sens avant de mettre debout la page. Manière à moi de nourrir les dieux, écran ou rempart à ce qui menace avant que je ne m’avise que tout est à reprendre. Sortir. Je croque dans le verger deux cerises noires.
Et dans la tête un rêve, celui de bricoler une maison sans tire-fonds, par le jeu subtil des prépositions et celui plus tranchant de la ponctuation. Si loin de tout, de la nuit qui veille derrière la fenêtre entrouverte, et de l’ampoule qui éclaire la chambre, plus loin encore.
Les enfants s’étaient baignés dans la rivière, le soleil jetait par poignées ses paillettes parmi les pierres du gué, tu croquais une pomme et nous avions convaincu la nuit de retarder sa venue.
Morceaux d’un ensemble (Avec Thierry Metz), publiés sur le net entre le 2 août et le 17 octobre 2013, remis en chantier.