« …miettes du monde
que le poème aussi recueille,
en vain pour toi qui ne lis plus… »Poèmes de Jean-Pierre Lemaire
Encres de Dominique Barrot
Lire la publication sur Calaméo
ou sur Issuu
Recueil
De ta chaise longue,
tu regardes sans voir derrière tes lunettes
les pissenlits grillés par la canicule,
le Mont-Blanc au bout du pré
comme un bien de famille
et quand il fait plus frais,
le soir, tu entends
le cri fusant des hirondelles
qui ont fait leur nid à l’abri du volet :
miettes du monde
que le poème aussi recueille,
en vain pour toi qui ne lis plus.
Quand le ciel est bleu, tu penses aux rues
où tu n’iras plus, sous les vieux platanes
et les poivriers, à ta propre rue
avec ses oranges comme des lampions
qui s’allument le jour dans les feuilles sombres.
L’église est au bout, si proche, inaccessible.
Tu entends les cloches. Une paroissienne
viendra t’apporter la communion dimanche ;
c’est le Christ maintenant qui te rend visite.
Il éclaire une à une les pièces de l’âme,
même la dernière au bout du couloir,
la chambre sans fenêtres qu’on n’ouvrait jamais.
Courrier
Tu vas chaque jour à la boîte aux lettres
sous le cerisier, même quand il pleut,
et tu en reviens avec les bruits du monde
— les migrants à Calais ou le Tour de France -
mêlés à l’odeur de la terre et des fleurs.
Les lettres sont rares (tes amis sont morts).
Rentrée à la maison, tu parcours les titres
et puis tu reprends l’évangile du jour,
ancien et nouveau, la seule parole
qui te rejoigne encore dans ta solitude.