Étymologie
Pour Cécile A.H.
Quand la mère se retire,
Elle nous laisse être — l’auxiliaire
D’une racine noire
Reste de sel, jadis
Dérivé
*
Houle mot je
Ne t’ai pas trouvé dans le dictionnaire
Il y a — au milieu
Des pages roses comme un silence
Où les paroles s’envolent
*
Pour toi — la terre,
Cécile
Se forme à la racine
Grecque — l’esprit
Éprouvé dans l’ouïe
Vive —
Ses ailes de lumière
Chauve-souris
Toi l’indomptée
Tu nous devances
D’un non-
Signe —
Ton obscure clarté
Isabelle R
Au clair d’une lune gibbeuse — bête
Tu murmures des prières — brûlées,
Je crois, au feu des étoiles —
Leur flamme noire dessine
Un relief incertain, on dirait
Qu’une chauve-souris s’est frayé
Un passage
Par l’ouverture du toit —
Lit — labyrinthe étroit
À l’épreuve du vent
Vers l’illimité
*
À l’épreuve du vent
Ailes nues,
Préhistoriques — tracent
Un cerne bistre
Sur les parois poreuses
Des cavités —
Gagne la nuit
Près de mon œil —
L’iris crétacé.
*
L’oiseau lève l’encre
Du ciel — vole
Courbe ses lèvres
Tremblent à peine —
Comme si d’ailes
Tombait l’ange
Ses larmes sur la terre.
*
Le toit de la maison
Chancelle
Ses chants solitaires
Après la pluie vermeille
Enfin
L’oraison s’apaise
(La chauve-souris revient).
Aleph
Tenir à la syllabe imprononcée —
Ce point voyelle suffit —
Quelque chose, je crois,
Brille l’ave
Avec la terre oui
L’ellipse de joie —
Prodige éprouvé sans savoir.
*
Au fond l’effervescence
Des lignes de chance
Rejoignent une autre étoile
Aux 613 pépins — galaxie
Offerte comme un fruit
Pouponnière
(On m’a dit que
Jésus avait mordu, enfant
Dans un fruit
Grenade, je croix).
Imparfait
Ci-gît l’arbre de la cour du lycée, rue de Béarn, à Paris 3ème
Si tu venais un jour
Chercher un peu de terre
Dans mes mains, tu trouverais
Les crevasses jubilaires
Et les peaux mortes
Ivres de vent peut-être
Faudrait-il dire
ces choses autrement ?
*
Aurais-tu oublié que l’arbre avait ici poussé,
Soulevé le sol de ses racines noueuses
Scintillé autour des classes de lycée
Sa ramure à la commissure
Des lèvres, s’élevait
Le psaume 22
« Ton bâton, ta houlette, sont là qui me protègent. »
*
Veillai-je ? Tu n’es plus
Mais le souvenir de ta présence,
Sillonne mon front
Mêlé aux mèches
Discrètes, blanchies
De lumière et d’ans.
*
Ici, une racine
M’avait jadis tenu dans ses bras —
Elle avait le goût d’une grenade
Ornée
Là,
Où nous nous trouvons
Pauvres toujours,
Exilés —
Iridescents
Nous gardons en nous le goût
Du fruit mûr
Irrésigné —
Dans la conscience chuchoteuse
Incessamment nous revivons.
à R.
Si jamais il te prenait d’ouvrir ce paquet
Tu y verrais l’embouchure d’une étoile
Avec, sur les côtés, des bribes de mots
Insurgés — ceux qui n’ont
Pas osé aller jusqu’à toi —
Insavants et discrets
Prisonniers des lisières
Au silence retourné,
Périlleux.
*
Ces mots tus —
Prononcés à mi-voix —
Brasses de vies
Débordées —
Avec le sel pourtant
Le verbe s’est érodé
Mais la substance elle
Demeure
Incandescente.
Habiter l’incarnat de la vie
Y creuser un puits
Avec patience l’épreuve
Du plus profond
Des blessures — la joie
Avec l’ortie.
*
Quelqu’un murmure
D’une voix rauque
Quelque chose comme
Une prière insensée —
Il faudra du temps pour l’écouter —
Recueillir le jus de grenade
Immense promesse
D’une main offerte
Déjà demain.