« Tu es devenu poème
Ton corps est limitrophe
Ton corps est devenu comme
Une dernière strophe. »
Poème d’Evelyne Vijaya
1 – Aube
Il y avait encore de l’aube dans mes pas
Une aube froissée qui se levait à peine
Découvrant une marche frustrée et peinée
Nous étions ivres d’une ivresse saine.
Dans quel crépuscule allions-nous tomber?
L’écriture nous menait au balbutiement
Des paroles et des mots au creux du ventre
Laissez nous avorter nos aubes prochaines.
2 – Mes nuits
Mes nuits sont des naufrages
Je tangue de Portsmouth à Le Havre
Je dors dans le vague et la rage
J’échoue dans l’aube qui me nargue
Combien de nuits vais-je me laisser déporter?
Tant d’océans et de mers
Qui ont décidé de me prendre et m’emporter
Il reste tant d’écumes et d’amer…
Mes nuits sont des naufrages
Je tangue de Cork à Brest
Je me retiens avec force malgré l’âge
Je suis au matin seulement ce qu’il me reste
Combien de gens m’ont laissé dans ce vent?
En brisant mes aubes et en partant
Sans demander des nouvelles de mes ciels
Sans demander des nouvelles de mes restants…
3 – Tu es devenu poème
Tu es devenu poème
Ton corps est rayé
Par tant d’écritures.
Tu es devenu poème
Ton ventre est rimé
Par tant de fissures.
Tu portes trop de vers
Dans tes intérieurs
Des mots d’été ou d’hiver
Qui n’ont plus d’extérieur.
Tu es devenu poème
Plus personne ne te lit
Tu es en voie d’extinction
Dans les vases de la nuit.
Tu vas finir dans les marges
D’un carnet bien refermé
à peine une poussière et le voyage
De la lecture à l’oubli affirmé.
Tu es devenu poème
Tu es embrassé et croisé
Par des lignes incertaines
Un chemin mal aimé.
Tu es devenu poème
Ton corps est limitrophe
Ton corps est devenu comme
Une dernière strophe.
© Photo de José Wattebled