Ne dis plus rien
car si tu parles
tu rouleras
aussi bas
que la langue
des pierres
ne t’ouvre pas
car l’océan
emportera
vers une plage morne
la lueur
de ton seuil
ne bouge plus
les routes poussent
l’ombre
précipitent leurs bras
et leur bec de pieuvre
la nymphe
reste lisse
elle clôt
son regard
à rebours
la morte rit
pour fixer
la mesure du silence.
D’ici je vois glisser les nuages
bleus sur la montagne
je les sens glisser sur ma peau
ce n’est pas la pluie que je sens,
c’est bien la peau des nuages
la caresse des eaux
qui me constituent.
J’ai vu mourir ces enfants
dans le jour qui les a fait naître
au milieu de ces forêts
d’hommes et d’arbres
ce qui les a portés je le porte en moi
je porte en moi la vie,
la mort comme ces nuages
glissant lentement
vers le haut
disparaissent.
Nuages bleus, nuages lourds
traverse aveugle des oiseaux,
la saison du chant est passée.
Le soleil élague nos têtes
comme des ceps
lumière jusqu’aux os
la chair crue
silhouettes à nu
tendus les bras
raides les jambes
debout
est le seul horizon
vêtir comment ?
La nudité
le corps qu’écorchent les épines
trop de clarté
Il faut guetter la nuit
la dérobée
une veine d’eau vive
pour le cœur apaisé
chercher la faille
où glisser ce baume
l’ombre sur la plaie
du jour .
Paysages vus de la chambre close
elle ne joue plus
attend la percée du silence
le sirocco enfouit la ville
dans le sable d’oubli
de la ceinture des minarets
s’élève
le chant grave du Muezzin
nuit soulevée telle un tapis
une flamme sombre embrase les murs
elle reviendra plus tard
vingt ou trente ans plus tard
la flamme sous d’autres couleurs
qui interrompra cette même nuit.
Soudain
sous les arbres
la brume porte
à nos lèvres le sel,
la rosée, les rayons
et le vin des orages
à la bouche ce présent
la misère des signes
est alors estompée
par nos voix d’enfants
contre la crête des corps
s’élancent
nos poings d’argile et d’eau
si loin de toute terre
nous disparaissons
désir, éblouissement
à l’orée de la peau.