Mère, j’ai quitté les ténèbres de ton ventre
pour les fruits et le sucre de l’été
le soleil blanc, long comme le fleuve de nos ancêtres, coulait.
Je n’eus pas à apprendre le sourire, qu’inscrivit sur moi
l’éblouissement du jour.
Dans le jardin, les pins tendaient leurs aiguilles
comme de minuscules ennemis
que sans cesse il fallait repousser
pour ne pas qu’ils pénètrent dans le royaume lumineux
de mes yeux et de ma bouche.
Les paons du jour et les piérides protecteurs
voletaient dans les rayons :
alors les aiguilles retournaient à la nuit des arbres.
*
J’ai quitté vos ombres, Maîtres,
pour des chemins d’incertitude.
il fallait bien partir de la chambre au secret,
disperser le legs du sang dans les pluies
et créer le mystère de mes propres mains.
Au rythme de la marche, les saisons eurent moins d’importance,
seuls comptaient les lieux et l’espace
que dilatait le désir de connaître.
Sur ces terres d’errance,
des oiseaux et des tigres se dévoraient le cœur.
*
J’ai quitté ces pays d’or rouge et d’étendues
pour des forêts plus proches, des sentiers plus intimes
des cascades de feuilles et de silence
abritant le souffle de mes enfants de chair
abritant un amour à la grâce farouche
qui tous les soirs
vient boire à la source.
Comme les porteurs d’eau, je mesure avec lenteur
la distance plus grande à chaque pas, chaque perte
chaque cri, chaque naissance, m’éloignant un peu plus
de ce que j’ai laissé,
à mesure que j’avance et m’éloigne de la source
et que je bois ma vie, le fardeau s’allège ou s’alourdit
et dans mes paumes je garde
un peu d’eau et quelques étoiles.