En désertant les grandes orgues
des mariages dans le marbre,
des opulences empruntées,
des funérailles dans l’encens,
un homme a craché d’un jet le petit bonbon
à l’abricot qu’il suçotait l’après-midi.
Une friandise mordillée
et pétrie du désir de la seule salive
aimable comprit que l’heure n’était plus
à l’amour fol et aux agrumes.
Entre sa carcasse amoindrie que des dents adorées
avaient fendue
et quelques noyaux d’olive
jetés sur le marché, comme elle, par des promeneurs
au crépuscule de leurs badinages anonymes,
point de hiérarchie : la solidarité des restes. Ils partageaient
une fosse commune de trottoir faite
d’espadrilles pour fouler leurs promesses
et de papiers froissés de toutes les couleurs
pour faire comprendre au sol que c’était juillet.
La bouche encore sucrée disait
de sa superbe, de son histoire,
de ses mythes étranges ou crédibles ou à
mourir d’ennui,
au petit bonbon :
« Voilà qui ressemble à de l’amour,
comme c’est doux.
Inconsistance d’abricot, tu es devenu bien gentille
d’ainsi rouler sans rien me dire.
Comme tu m’aimes et comme c’est bien.
Peut-être nous parlerons-nous demain. »
Au jardin
« Il ne sont pas de moi, ces mots que je vais dire »
Platon Le banquet.
Sous une tonnelle verte, une table verte,
des arbres verts, des chaises vertes,
et une citronnade.
« Dix ans de plus et huit kilos ont été nécessaires
beaucoup de cheveux gris et un début d’abdomen. »
J’ai mis mon vert de travail
et les femmes dont les yeux sont verts
sont tristes comme le diable.
« Deux enfants ont été nécessaires et sept maisons ».
La fanfare joue du Bach.
Un garçon à rayures jaunes s’accoude
tendrement en regardant une fillette
nostalgique, la petite sœur de quelqu’un.
Je lis des poèmes de Vinicius de Moraes
pour une femme usée.
« Nécessaires trois livres de poésie et une opération de l’appendicite. »
Il y a six mois, j’étais enfant.
La fanfare joue la musique de Zorro.
Glace au chocolat, chapeau fripé,
quatre langues différentes, des applaudissements.
« Nécessaires des séparations, tant de séparations,
une séparation. »
Tu seras calme en m’oubliant
comme on s’endort.
« Ta grâce chemine à travers la maison.
Tu bouges blindée d’abstractions, comme un T. »
Tu seras content et patient enfin
au souvenir de tes vieilles revanches.
« Tu es si profondément que tu précises toutes les choses. »
J’aurai fait ton bonheur à ma façon,
comme savent le faire seuls
les cadres, les vitres, les ponts, les stèles.
« La chaise est chaise et le tableau est tableau
parce qu’ils participent de toi » lui diras-tu.
« Tu as des seins, et des larmes, et des pétales »
lui diras-tu encore. Tout mon amour idiot
pour un « Va-t-en ! ».
Je connaîtrai la chaleur profonde
de te savoir heureux et un,
et père, mari, vieillard, ancêtre.
J’anticipe ta mort que tu m’as chantée
un jour là-bas dans votre tombeau de dragée :
je suis quelqu’une qui n’est pas ton ennemie.
« Et je te répondrai, à regarder avec tendresse mes jambes que l’amour a pacifiées »
que tu auras été une merveille.