Revue de poésie contemporaine

Saisons de l’été (extraits)

S

« Per­du dans les fron­dai­sons du jeu
L’enfant ne savait rien du jour
Ou des cimes péremptoires
En lui la graine de ce lieu se glissait
Fécon­dant l’oeil de son sommeil
C’est ain­si que par­fois le bon­heur vient sac­ca­ger nos douves
Toute enfance est résur­gence tenace et vagabonde… »

 

Poèmes de Lio­nel Gerin
Aqua­relles de Caro­line François-Rubino

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ou sur Issuu

PRÉMICES

Caroline François-Rubino, 2015
Caro­line Fran­çois-Rubi­no, 2015

1
Janvier

Ton corps à boire
L’in­va­sion de tes reins de tes hanches
Digues pour l’é­ten­due de la nuit
Dans les étroites noces du jour bien­tôt grège
Et du gris des faubourgs
Dans la truffe maigre et humide du matin
Ta main impro­vise l’été.

Caroline François-Rubino, 2015
Caro­line Fran­çois-Rubi­no, 2015

CORPS DE L’ÉTÉ
6

Miracle de l’été
Tu renonces à l’i­dée de ta mort
Et apprends la légè­re­té de la citronnade
Des courses à vélo
Des rires et des mains enlacés
Tu t’i­ni­ties à la gram­maire de la nudité
Á l’é­va­se­ment du regard
Á la menthe exta­siée des flâneries
Au bord des ports et des rivières
Il te reste toute l’im­men­si­té de l’instant
Pour te ris­quer aux pénombres
Et à l’a­mour des granges
Le linge dans la haie qui bruisse
Un soleil scarifié
Les insectes incendiés
Ta nuque
Le nœud de la pous­sière où le nord a séché
Tout concourt à juillet
Et mani­gance l’om­breuse retraite des ruisseaux

Caroline François-Rubino, 2015
Caro­line Fran­çois-Rubi­no, 2015

11

Dix arpents de soleil
Et ta jour­née est faite
La contre­bande des fontaines
Leur rumeur de feuilles
Les oiseaux qui éditent le matin
Le pain frais
La table ouverte
Sous le tilleul de la place

Encore tôt
Et déjà le soleil publie l’été
Aux fontaines

Toi nue à la fenêtre
Pour goû­ter l’air neuf
Du matin

L’a­ca­cia frôle le balcon
Son ombre tatoue la terrasse
Avec les restes de la nuit

Caroline François-Rubino, 2015
Caro­line Fran­çois-Rubi­no, 2015

18

Voi­ci venir l’eau rare et le soleil à nos tempes

Il reste un peu de neige à ton ventre
Sur ta peau vaga­bonde un nuage cherche ton sein
Et dans ce gant si fin qui cares­sa ton corps
Je glisse le coeur de mes doigts

Á l’é­cart je te froisse
Vois tes yeux s’oublier
Vers le sud où brûle enfin
L’an­neau nu
Des confins
De ton soleil d’été
C’est une nuit de lisière entre le poème et l’eau
Une nuit de roses arra­chées au soleil
Un jour de grand large
Un matin de terre noire et de pré­noms livrés au vent
Un midi inutile à force d’être blanc
Et un soir qui découpe les visages au couteau
La nuit revient men­tir avec les corsages
Et la lisière fris­sonne avec les roseaux
Qui fes­tonnent l’é­té amer
Et marient l’o­range et la faux

Caroline François-Rubino, 2015
Caro­line Fran­çois-Rubi­no, 2015

21

L’en­fant attend
Que se sou­lève la frange
Qui ourle le jar­din des mystères
Sous le tilleul
Les plis de la sieste
Se défont peu à peu
Et laissent un peu de soif
Au bord des lèvres
Cette cha­leur échappe encore
Aux domaines du nom
Sans pen­ser à mal
Tu trempes ta main dans l’ombre
Et l’ombre s’écarte
Et va fondant
Dans la moelle du soleil
Sor­cière de l’été
Tu cours la campagne
Et désen­fièvres les enfants
De tes doigts de sureau
Tu parles aux fontaines
Et t’a­breuves la nuit
Au museau des béliers

Caroline François-Rubino, 2015
Caro­line Fran­çois-Rubi­no, 2015

ÉTÉ NOMADE
29

L’é­té enroué de brouillard
Enjambe les troncs endor­mis sur les plages
Cathé­drale d’arbres rouges au bord des promontoires
Où le silence s’empale sur les fougères
J’ai léché ton regard d’étoiles
Le corps cas­sé par l’a­ven­ture de la route
Et lais­sé en arrière tous les bleus et le noir
Rejoint la lèvre des collines
Où l’a­zur gla­cé enfouit bien haut les cendres
Nous ten­dons vers le houx
Des­cen­dons vers le tendre
dans la rous­seur des aqueducs
Pieds nus sur le marbre chaud
Mem­brane tra­ver­sée dans la joie
La pluie chaude poignarde
Le dos boueux du Gange
Qui char­rie la buée des mourants
Vers l’est dou­ce­ment amer
Et la serre désem­pa­rée de l’été

Le jaspe du ciel aura rai­son du soir

Caroline François-Rubino, 2015
Caro­line Fran­çois-Rubi­no, 2015

JEUNESSE DE L’ÉTÉ
31

Il y avait une rivière
Un été d’insouciance
De guêpes et d’éclaboussures
Une frai­cheur perlée
En contre­bas des cerises
Dans une ombre où cou­lait l’azur
Loin de la cami­sole des chambres
Il y avait la sente et l’herbe
Et rien n’aboyait
On aurait presque pu dan­ser ou s’é­tendre au bois clair
Per­du dans les fron­dai­sons du jeu
L’en­fant ne savait rien du jour
Ou des cimes péremptoires
En lui la graine de ce lieu se glissait
Fécon­dant l’œil de son sommeil
C’est ain­si que par­fois le bon­heur vient sac­ca­ger nos douves
Toute enfance est résur­gence tenace et vagabonde

Cet été là il nous res­tait cinq ans
Pour cares­ser et par­ta­ger le jour
Boire était comme une leçon apprise
Les petites heures étaient soudoyées
L’a­mour n’é­tait que larcins
S’il se trou­vait quelque éten­due entre nous et la mer
Nos corps étaient trop blancs
Le disque du soleil trop noir
Et la pente trop raide
Nous pre­nions notes qu’il y aurait un lendemain
Peut-être

Caroline François-Rubino, 2015
Caro­line Fran­çois-Rubi­no, 2015

Caroline François-Rubino, 2015
Caro­line Fran­çois-Rubi­no, 2015

Auteur(s) / Artiste(s)

Lionel Gerin

est né à Roanne et a suivi des études d'anglais à Nanterre. Il vit et enseigne à Lyon.

Outre la poésie, il se passionne pour le cinéma, et par-dessus tout le voyage. Europe, Amérique du Nord et du Sud, Asie, Moyen-Orient.
Ses poèmes paraissent dans Les Cahiers du sens depuis 2009, ainsi que dans la revue Kahel.

Son premier recueil, Si nous n'avions qu'une ombre, est sorti en 2014 au Nouvel Athanor.
Noirs sur Blancs
, avec des photos de David Chabin, est paru chez Jacques Flament éditions en 2017. On le trouve également dans le recueil collectif "Résonances", chez le même éditeur, toujours en 2017.
Enfin, on peut lire des extraits de Saisons de l'été, sur des aquarelles de Caroline François-Rubino, sur la revue Ce qui reste.

Caroline François-Rubino

est née en 1960. Elle vit et travaille dans les Pyrénées Atlantiques.
Après des études supérieures d’arts plastiques et d’histoire de l’art, elle a enseigné les arts plastiques de 1983 à 2000.
Elle expose régulièrement et travaille en collaboration avec de nombreux poètes.
Le paysage façonne son langage pictural. Elle dit « peindre ce qu’elle ne pourrait photographier: un nouvel espace aux multiples sentiers invitant à découvrir des itinéraires imprévisibles et à percevoir le temps qui passe.
Le dessin, compagnon de toujours, et la pratique régulière de l’aquarelle l’accompagnent dans ce cheminement vers une peinture qui montre ce qu’elle est depuis la toile vierge jusqu’à des effets de transparence qui évoquent le rêve d’un rêve.

Ouvrages édités ou à paraître :
  • Kvar lo, de Sabine Huynh avec des encres de Caroline François-Rubino, éditions Æncrages & Co, coll. Écri(peind)re, février 2016
  • Boire à la source / Drink from the Source, de John Taylor avec des aquarelles de Caroline François-Rubino, éditions Voix d’encre, mars 2016
  • Hublots / Portholes, de John Taylor avec des peintures de Caroline François-Rubino, éditions L’œil ébloui, été 2016

www.caroline-francois-rubino.com

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