Revue de poésie contemporaine

Au nom…

A

 

AU NOM CHALAND

Vol­taire, mal­gré son nom, parle beau­coup et est très hon­nête. Très can­dide et ingé­nu, il se plaît à dire le monde comme il va.

René Bar­ja­vel, mal­gré son nom, n’est pas un pois­son ni une solu­tion liquide oxy­dante. Voya­geur impru­dent, le diable l’emporte sur les che­mins de Katmandou.

Jean Coc­teau, mal­gré son nom, n’est pas un gal­li­na­cé et aime se lever tard. Enfant ter­rible, il fait le grand écart entre le livre blanc et Tho­mas l’im­pos­teur. Ce qui lui vaut un sacré Potomak.

 

AU NON DE DIEU

André Bre­ton, mal­gré son nom, est né à Tin­che­bray dans l’Orne en Nor­man­die. Il cultive l’a­mour fou et ses champs magné­tiques avec Nad­ja et prend, de temps en temps, la clé des champs.

René Char, mal­gré son nom, n’est pas un véhi­cule blin­dé à che­nilles. Avec fureur et mys­tère et armé d’un mar­teau sans maître, il fait l’é­loge d’une soup­çon­née pour une parole en archipel.

Achille Cha­vée, mal­gré son nom, n’est ni une cale ni un mam­mi­fère car­ni­vore félin de taille moyenne au museau court et arron­di. Il est élé­phant blanc qui boit à pierre fendre les décoc­tions de neige rouge pour cause déterminée.

AU NOM DE LA PANTHÈRE ROSE

Pierre Cor­neille, mal­gré son nom, n’est pas un oiseau pas­se­reau de cou­leur noire voi­sin du cor­beau et il ne bâille pas la tête en l’air. Et pour la veuve Cli­tandre, pour Horace ou pour Œdipe, c’est l’in­no­cence per­sé­cu­tée… Que dis-je… C’est la mort de Pompée.

René Des­cartes, mal­gré son nom, n’est pas de cré­dit ni d’i­den­ti­té. Et recher­cher la véri­té par les lumières natu­relles conduit inexo­ra­ble­ment la pas­sion de l’âme aux météores. Qui dit géo­mé­trie dit méthode. Qui dit méthode dit dis­cours. Et qui dit dis­cours règle la direc­tion de l’esprit.

Jean Racine, mal­gré son nom, n’est pas une par­tie sou­ter­raine d’un végé­tal qui lui per­met de pui­ser dans le sol les élé­ments néces­saires à sa nutri­tion. Et Alexandre le Grand aime Béré­nice qui aime Mithri­date qui aime Iphi­gé­nie qui aime Bri­tan­ni­cus qui aime Esther. Qui aime me suive.

AU NOM DU FIST

Georges Sime­non, mal­gré son nom, quand il dit oui… Et bien, cela veut dire oui. Il a le coup de lune facile et regarde pas­ser les trains avec la dan­seuse du Gai-Mou­lin mais les gens d’en face, ceux de la mai­son du Canal, lisent les rap­ports du gen­darme et sont au cou­rant pour le pen­du de St-Pholien.

Mau­rice Carême, mal­gré son nom, n’est pas une période de jeûne de qua­rante jours ins­ti­tué par le chris­tia­nisme ni un grand véhi­cule auto­mo­bile uti­li­sé pour le trans­port en com­mun de voya­geurs et, en plus, il déteste tout. L’eau passe et le pigeon vole entre deux mondes et la bien-aimée, femme, flûte au ver­ger dans un hôtel bour­geois est ou n’est pas.

Jacques Izoard, mal­gré son nom, n’est pas un col situé dans les Hautes-Alpes à une alti­tude de 2 361 mètres ni une étape inter­mé­diaire du Tour de France. Vêtu, dévê­tu, libre, il a dor­mi sept ans le vin rouge au poing, et le corps cares­sé, il s’en est allé dans une rue obscure.

AU NOM DE L’ALOI

Amin Maa­louf, mal­gré son nom, n’est pas le contraire du bien et le ver­lan ne l’a pas ren­du fou. Son ami Léon l’A­fri­cain s’est per­du dans les jar­dins de lumière et com­plè­te­ment déso­rien­té après le périple de Bal­das­sare, il s’est endor­mi au pied du rocher de Tanios.

Éliette Abé­cas­sis, mal­gré son nom, n’est pas fille de moine supé­rieur et ne rentre pas dans la com­po­si­tion du kir. Tu es répu­diée Sépha­rade… Te voi­ci per­mise à tout homme. Mon père, celui de la der­nière tri­bu, a lu le livre des pas­seurs et le palimp­seste d’Ar­chi­mède, il est le messager.

Marek Hal­ter, mal­gré son nom, n’est pas une masse pesante dont on se sert pour déve­lop­per sa force mus­cu­laire. Je me suis réveillé en colère. Un homme. Un cri. Le Fou et les rois attendent le Mes­sie. J’at­tends Bethsabée.

AU NOM ÉLUCIDÉ

Guillaume Apol­li­naire, mal­gré son nom, n’est ni vul­gaire ni rêche ni de la guerre. Le guet­teur mélan­co­lique a 11 000 verges et Lou tombe dans les alcools. Je ne suis plus que l’ombre de mon amour pour Mire­ly, le petit trou pas cher.

Sté­phane Mal­lar­mé, mal­gré son nom, est bien gréé. Héro­diade et les dieux antiques ont le don du poème et la brise marine par l’a­près-midi d’un faune, c’est comme un coup de dés qui n’a­bo­li­ra jamais le hasard.

Jacques Rou­baud, mal­gré son nom, est blond cen­dré et n’a qu’un seul bail. La der­nière balle per­due est pour le che­va­lier silence et La forme d’une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains. Nous, les moins-que-rien, fils ainés de per­sonne atten­dons la belle Hortense.

AU NOM DU PAIR

Joë Bous­quet, mal­gré son nom, n’est pas un assem­blage de fleurs cou­pées et ser­rées les unes contre les autres à qui on aurait ajou­té un « s » mal­en­con­treux. Le meneur de lune tra­duit du silence.

Ben­ja­min Péret, mal­gré son nom, n’est pas le fils de Pierre et n’aime pas les jolies colo­nies de vacances. Je ne mange pas de ce pain-là et dor­mir, dor­mir dans les pierres. Un point, c’est tout.

Ray­mond Que­neau, mal­gré son nom, n’est pas le mâle assor­ti de la que­nelle de Lyon. Zazie court les rues. Zazie bat la cam­pagne. Zazie fend les flots. Non ! Zazie est dans le métro. C’est un exer­cice de style mais le chien à la man­do­line, lui, a une gueule de pierre et l’ins­tant est fatal.

AU NOM DU SEINEST-CE PRIS ?

Tris­tan Cor­bière, mal­gré son nom, n’est pas un ins­tru­ment à vent ni une cal­lo­si­té dou­lou­reuse qui affecte le pied. Et, en plus, quand il se saoule, c’est à l’eau-de-vie et ce pour trom­per la mort. Les amours jaunes à Paris, c’est la bohème chic après la pluie. A une rose. A Zul­ma. A ma jument souris.

Isi­dore Ducasse, mal­gré son nom, n’est pas une fête tra­di­tion­nelle de vil­lage en Bel­gique et dans le nord de la France. Je chante mal, je dors, or… L “homme n’est pas moins immor­tel que l’âme.

Arthur Rim­baud, mal­gré son nom, n’est pas un organe qui éli­mine les toxines et assure, par fil­tra­tion et excré­tion d’u­rine, l’ho­méo­sta­sie du sang et de l’or­ga­nisme en géné­ral et il est lait comme une perte blanche. Le bateau est ivre. La sai­son est en enfer. C’est l’illumination.

AU NOM DE L’ART ROSE

Jacques Brel, mal­gré son nom, n’est ni un bon à rien, ni un assem­ble­ment de mor­ceaux de bois en radeau, ni… Pour les Belges… Car Jacques Brel était belge… De la cibou­lette. Les Fla­mandes vont à Vesoul. J’arrive à Amster­dam. Et les bon­bons sentent ces gens-là et le plat pays. C’est la quête, fieu.

Georges Bras­sens, mal­gré son nom, n’est pas une par­tie du membre supé­rieur de l’homme qui va de l’épaule au coude ni la signi­fi­ca­tion, le conte­nu concep­tuel d’une expres­sion. Le gorille a mau­vaise répu­ta­tion car amou­reux des bancs publics, il chante pour l’Auvergnat et pense à Fer­nande. Les copains d’abord, oui… Mais seule­ment auprès de mon arbre.

Léo Fer­ré, mal­gré son nom, n’est pas gar­ni de fer sous ses sabots… D’ailleurs… Il n’a pas de sabots. C’est extra, les amants de Paris sont à Paname. Je suis un chien qui n’a ni dieu ni maître. Et ma soli­tude, c’est la jolie môme.

 

Auteur(s) / Artiste(s)

Gaëtan Sortet

Né le 15 janvier 1974 à Namur, Belgique.
Artiste pluridisciplinaire dont la base de travail est l'image (photo, vidéo, peinture) et le langage.
Entré dans la poésie par le biais d'un haïku du maître japonais Bashô.

Vieil étang
Une grenouille plonge
Bruit de l'eau

Au gré de rencontres diverses dans le milieu de la poésie belge (Jacques Izoard, Ben Arès, David Besschops), il s'est mis à écrire des textes à la manière automatique et des aphorismes.

A publié
  • Une photo intitulée « Les Cris » dans la revue "Matières à Poésie".
  • «55 définitions de la Poésie à lire avant d’avoir vu Naples» dans la revue poétique française Népenthès.
  • Différents textes dans la revue L.ART en Loire. « Lettres et le Néant » et « L’Alphablet » dans le numéro 3 (octobre 2013). Et « Onomatopées des Ménages » dans le numéro 4 (janvier 2014).
  • Deux textes dans la revue « DéZOpILaNT ». « Phrases Lapin » dans le numéro 17 (décembre 2013). Et « L’Alphablet » dans le numéro 18 (avril 2014)
  • « AuNom2 » dans la revue Lélixire #8 du mois d’avril 2014.
  • Différents textes et travaux orientés art plastique dans le magazine « Levure Littéraire » de mai-juin.
  • « Lettres à Noah » dans la revue littéraire seychelloise SiPAY (numéro 11).

Travaille au sein du groupe poético-musical Tartart. (http://www.facebook.com/tartartpoesieetmusique)
Regroupe actuellement son travail sous l’appellation et la signature ART. Voir site personnel.
Site personnel : http://www.gaetansortet-art.be

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