Revue de poésie contemporaine

« la tristesse je l’ai mise dans un sac… » (et autres poèmes)

«

 

la tris­tesse je l’ai mise dans un sac
au fond du congélateur
comme ça elle est oubliée
mais pas trop

quand je fouille pour un morceau
de viande des framboises
c’est tou­jours ce sac-là
qui vient à la main
son conte­nu ren­du mys­té­rieux par le froid

dans le manuel de congélation
rien n’in­dique com­bien de temps
on peut la conser­ver de cette façon

nous venons de par­ler d’elle
parce qu’elle est morte
nous l’a­vons mise en boîte
la boîte nous allons la brûler

main­te­nant le silence tombe
comme une cruche sur les dalles
chaque frag­ment garde
un sou­ve­nir de fraîcheur

dans le miroir nous voyons la fenêtre
la mer un arbre la terre qui penche
rete­nez ça
une belle tristesse

le sable ruis­selle entre les racines
les feuilles oscillent
avec le chant du merle
des mots reviendront

je vous appor­te­rai de l’eau
le pas­sé qui dure
c’est le présent

par exten­sion un article de foi
comme le nez rouge d’un clown
une paire d’o­reilles en plastique

sin­cé­ri­té dans une tasse de thé
l’a­ve­nir tiède puis froid qu’on
remue avec une fer­veur dévorante

dans les mains de la boue en guise
de luci­di­té dans la bouche
une graine de silence

l’a­près-midi danse sur le par­quet endormi
on n’a pas ouvert les volets la musique entre
silen­cieu­se­ment par les interstices
quelques notes jaunes stridentes
qua­drillent l’es­pace encadrent l’infini
tout le monde est là tout le monde
danse une cho­ré­gra­phie exquise langoureuse
on dirait qu’ils glissent sur
des patins de feutre pour évi­ter de
brus­quer la pous­sière tout le monde
est là tout le monde danse avec moi qui
suis res­té à la porte les yeux rivés au sol
à regar­der mes trébuchements

please

s’ouvre une paren­thèse de silence
la salle se tor­tille gênée par cette
poli­tesse étrange étran­gère effrontée

savoir ce qu’on fait ne compte pas
l’im­por­tant c’est d’as­su­mer oser être
à l’aise face à l’i­gno­rance confrontée

mais les assiettes se vident et les bouteilles
le monde com­mence à toussoter
par la fenêtre on voit pas­ser une vie

thank you

Auteur(s) / Artiste(s)

Derek Munn

Derek Munn est né en 1956 en Angleterre. Il vit en France depuis 1988 et écrit en français depuis une dizaine d’années. Il a publié :

  • des revues Rue Saint Ambroise, Borborygmes, Dissonances, Pr’Ose !, Les Cahiers D’Adèle, Coaltar, Gelée rouge
  • Mon cri de Tarzan, Léo Scheer/ Laureli, 2012
  • Un paysage ordinaire, Christophe Lucquin éditeur, 2014
  • Vanité aux fruits, L'ire des marges, 2017

http://www.m-e-l.fr/derek-munn,ec,1001/

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