Revue de poésie contemporaine

Ne dis plus rien (et autres poèmes)

N

Ne dis plus rien
car si tu parles
tu rouleras
aus­si bas
que la langue
des pierres

ne t’ouvre pas
car l’océan
emportera
vers une plage morne
la lueur
de ton seuil

ne bouge plus
les routes poussent
l’ombre
pré­ci­pitent leurs bras
et leur bec de pieuvre

la nymphe
reste lisse
elle clôt
son regard

à rebours
la morte rit
pour fixer
la mesure du silence.

 

D’ici je vois glis­ser les nuages
bleus sur la montagne
je les sens glis­ser sur ma peau
ce n’est pas la pluie que je sens,
c’est bien la peau des nuages
la caresse des eaux
qui me constituent.
J’ai vu mou­rir ces enfants
dans le jour qui les a fait naître
au milieu de ces forêts
d’hommes et d’arbres
ce qui les a por­tés je le porte en moi
je porte en moi la vie,
la mort comme ces nuages
glis­sant lentement
vers le haut
disparaissent.

Nuages bleus, nuages lourds
tra­verse aveugle des oiseaux,
la sai­son du chant est passée.

 

 

Le soleil élague nos têtes
comme des ceps
lumière jusqu’aux os
la chair crue
sil­houettes à nu
ten­dus les bras
raides les jambes
debout
est le seul horizon

vêtir com­ment ?
La nudité
le corps qu’écorchent les épines
trop de clarté

Il faut guet­ter la nuit
la dérobée
une veine d’eau vive
pour le cœur apaisé
cher­cher la faille
où glis­ser ce baume

l’ombre sur la plaie
du jour .

 

 

Pay­sages vus de la chambre close
elle ne joue plus
attend la per­cée du silence

le siroc­co enfouit la ville
dans le sable d’oubli

de la cein­ture des minarets
s’élève
le chant grave du Muezzin

nuit sou­le­vée telle un tapis

une flamme sombre embrase les murs
elle revien­dra plus tard
vingt ou trente ans plus tard
la flamme sous d’autres couleurs
qui inter­rom­pra cette même nuit.

 

 

Sou­dain
sous les arbres
la brume porte
à nos lèvres le sel,
la rosée, les rayons
et le vin des orages

à la bouche ce présent
la misère des signes
est alors estompée
par nos voix d’enfants

contre la crête des corps
s’élancent
nos poings d’argile et d’eau

si loin de toute terre
nous disparaissons
désir, éblouissement
à l’orée de la peau.

Auteur(s) / Artiste(s)

Cécile A. Holdban

est née en Allemage à Stuttgart. Hongroise d’origine, elle vit à Paris. Poète, peintre, traductrice (du hongrois et de l’anglais), elle est coéditrice de la revue Ce qui reste. Elle aime relier poésie et peinture en réalisant des livres d’artistes avec différents poètes et plasticiens. Ses peintures, objets et livres peints prennent souvent forme à partir d'éléments naturels du vivant, papier, bois, pierre, matières végétales, organiques.

Ses dernières publications en poésie :
Poèmes d’après suivi de La Route de sel (Arfuyen, Prix Yvan Goll, Prix Calliope du Cénacle européen),
L’Été (Al Manar),
Toucher terre (Arfuyen),
Pierres et berceaux, (Potentille)

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